Le temps n'est guère clément sur les hauts plateaux castillans en ce début Mai. Pourtant même par un froid cinglant et une pluie torrentielle, le charme de la Castille n'en est pas moins réel. On y revient en toute saison pour y saisir des atmosphères et des paysages différents.
La plus belle place d'Espagne est désertée ce matin malgré les apparitions fugaces d'un petit rayon de soleil
Le Pont romain, maintes fois restauré, supporte habituellement plus de monde. Il semble un peu terne sous un ciel de pluie.
Les deux cathédrales la Vieja et la Nueva signent en tout temps la silhouette de la ville
La Casa de las Conchas
Une des maisons les plus emblématiques de Salamanque: la Casa de las Conchas profite des éclaircies pour redorer ses blasons et ses ornements.
Ses 300 coquilles qui ornent ses murs révèlent l'appartenance de son constructeur aux Chevaliers de Saint Jacques, une institution bien espagnole, tandis que les fenêtres aux moucharabieh prolongent l'influence arabo andalouse dans l'architecture ibérique.
Le couvent San Esteban
Le cloitre dominicain de San Esteban.
L'histoire dit que les premiers dominicains partirent de ce couvent pour évangéliser le nouveau monde et défendre les indigènes.
Comme en témoigne assurément la douceur de la petite vierge péruvienne, exposée dans le cloître.
Les façades en style plateresque
Le style plateresque permet bien des mystères. Sous les dentelles de ses sculptures se cachent des motifs étranges. Sur la façade de l'Université se tapit une grenouille, symbole de luxure et d'évanescence... Qui la découvrira réussira ses examens. Sur le portail Nord de la cathédrale gothique du XVI ème s'est glissé un anachronique intrus.
Le Jardin de Calixto et Melibea battu par les vents.
C'est dans ce lieu romantique que se seraient cachées les amours clandestines et tragiques d'un couple d' amoureux aussi célèbres à Salamanque que Roméo et Juliette le sont à Vérone.
La Casa Lis, dévoile ses trésors Art nouveau mais interdit les photos.
Dommage, l'exposition de Botero méritait mieux que ma reproduction de langouste au crayon.
A trois pas de la Casa Lis , les Archives de Salamanque possèdent un petit centre de documentation sur la Guerre civile, modeste mais intéressant. Il y est permis de prendre des photos.
Grâce au concours de l'Ecole des Beaux Arts située dans ce quartier un peu périphérique , les portes de garage, les murs et les poubelles ont pu servir de support à la créativité fantaisiste de ses étudiants.
Les environs de Salamanque
Le timide printemps révèle un paysage typique de la Castille y Leon. Des prés et des chênes verts qui maintiennent naturellement un éco système en font un modèle de développement durable fort apprécié en cette période de changement climatique et de grand vent.
El toro bravo se sent parfaitement à l'aise dans ces pâturages. Il ignore encore qu'il n'y restera pas trop longtemps.
Merci à Valérie, dont le projet d'acquérir la double nationalité franco espagnole, nous a permis de découvrir un superbe petit village de 170 habitants perdu entre Salamanca et Zamora. Dépeuplé par les vagues migratoires causées par la misère et la guerre civile, il commence à renaitre avec l'apport des descendants d' exilés et grâce à un sens de l' hospitalité incomparable.
A priori rien ne nous destinait à découvrir El Maderal, dont l'environnement semble peu conforme à son patronyme d'origine.
Caché au creux d'un vallon, il mérite pourtant le détour
Une splendide église romane au clocher couronné d'un nid de cigognes et une rencontre inopinée avec le Maire , qui nous a ouvert avec émotion la porte de son petit musée, restent des souvenirs impérissables.
Eclipsée par Salamanque, Zamora vaut pourtant une halte pour admirer sa splendeur passée. Du haut de sa falaise dominant le Duero, ses enceintes recèlent quantité d'églises romanes, une cathédrale d'inspiration byzantine, un château ... et un foyer de cigognes
Apparemment les cigognes apprécient leurs logements communautaires. Elles sont trois familles à craqueter dans le silence des lieux désertés le lundi.
C'est à peine si on s'entend dessiner.
La Sierra de Francia, comme son nom l'indique, a accueilli au XI ème siècle des communautés françaises à la demande du roi Alphonse VI soucieux de repeupler la région après en avoir chassé les arabes. Elle fut pendant des siècles un refuge pour les persécutés, notamment les juifs et les musulmans expulsés par Isabelle la très catholique. Ses paysages somptueux de montagne sauvage, ses villages typiques et ses coutumes à peine dévoyées par le tourisme en font un lieu exceptionnel.
El Alberca,
Ce séduisant petit village, haut perché et tout fleuri, attire l'été les foules qui viennent se perdre dans le labyrinthe de ses ruelles étroites, bordées de maisons à colombages si hautes que le soleil y pénètre à peine. En cette saison, on profite du calme et d'un temps qui semble s'être immobilisé depuis le 15ème siècle,
avec son lacis de ruelles inspirées des traditions juives et arabes dans lesquelles il est si facile de s'égarer.
si on ignore qu'elles débouchent sur la Plaza major, d'un côté
de l'autre
ou d'un autre encore
Sur la place en attendant le chevreau à la braise qui tarde à cuire, on boit, on rêve ou on croque un peu n'importe quoi et n'importe comment.
Le village aux 380 visages
Evidemment le site ne figure pas sur les grands circuits touristiques puisque les bus ne peuvent emprunter les ruelles qui descendent en cascade à flanc de montagne. C'est pourtant une petite merveille qui sommeille dans la Sierra. Outre son caractère typique, une autre curiosité retient l'attention. Des centaines de portraits d'habitants sont peints sur les façades des maisons. Tirés des photos d'identité prises de façon artisanale par un photographe local en 1967 afin de satisfaire aux nouvelles obligations des cartes d'identité, tous ces tableaux redonnent ainsi une vie aux habitants et à un village que l'exode rural a vidé de ses occupants. L'effet artistique est saisissant et terriblement émouvant.
Sur la place deux portraits sur les 380 qui décorent les façades des maisons.
Au dessus des portes anciennes, figurent de curieux blasons datés du Moyen. Ils indiquaient la religion des habitants. Avec l'arrivée de Inquisition la mention IHS permet d'identifier les convertis. Une utile précaution.
Juchée sur un promontoire et ceinturée de remparts, Ciudad Rodrigo située à quelques encablures du Portugal protège ses vestiges et ses monuments en se tenant à l'écart des grands circuits touristiques. Elle, qui sut résister aux conquêtes napoléoniennes, tient à son identité.
Son centre historique, où surgit une imposante, cathédrale du 12ème recèle d'élégants palais et des monuments du 16ème siècle, dont la splendeur dut certainement avoir profité du commerce florissant avec les Amériques.
La Plaza mayor ressemble à une place d'armes. Cernée de canons, elle offre à ses enfants un terrain de jeu aussi insolite que belliqueux, même pour les filles.
La Cathédrale commencée romane au XIème siècle se termina gothique quelques siècles plus tard. Pour le moment elle est fermée.
Des blasons et des fleurs
Qu'il fait bon flâner dans ce décor urbain, où les balais dansent avec les fleurs devant les portes colorées!
Et en bas coule tranquillement le Duero qui sinue à travers des paysages plus ou moins vallonnés.
Avec en prime à quelques kilomètres de là, le site préhistorique de Siega verde offre une remontée dans le temps de quelques 17 000 ans, quand les hommes du paléolithique n'avaient pour dessiner les animaux sauvages qu'un bout de silex et la roche de schiste .
Et le printemps est arrivé!
Il n'est pas de village de Castille sans une église. Le gros bourg de Alaejos en a deux, énormes et écrasantes qui témoignent de sa richesse d'antan. Le marché aux vêtements installé, comme un souk itinérant, sur la place du village aurait plutôt tendance à illustrer son déclin. Ainsi va le monde, le pouvoir castillan qui a dominé l'univers, se retrouve aujourd'hui à sa périphérie.
Tordesillas: un nom bien connu des historiens et lycéens pour le traité qui a lié en 1494 et sous couvert du Pape, les espagnols et les portugais, dans le partage du nouveau monde. Au premiers, revenait ce qui était à l'ouest d'une ligne passant à 370 lieues du Cap Vert, aux seconds: ce qui se trouvait à l'est. Ainsi le Mexique et le Pérou dépendirent de la Couronne de Castille tandis que le Brésil était colonisé par les portugais.
Sur les murs du Casco antiguo , des fresques récentes dénoncent ce partage du monde et les conséquences qu'elles eurent pour les peuples autochtones. Un parfum de repentance bienvenu par les temps qui courent.
Qui pourrait penser qu'une petite ville si tranquille, eût pu s'adonner à des colonisations si brutales?
Accéder au centre de Valladolid, la capitale administrative de la région est déjà un exploit. Entourée de banlieues industrielles et commerciales, où s'agglutinent les immeubles, d'habitation et s'enchevêtrent les voies de circulation, la vieille ville semble sortie d'un autre monde. Toute pimpante, elle allie avec grâce des rues piétonnes et ses magasins de luxe, des restaurants animés, une superbe place rougeoyante au soleil, et ne se montre pas avare dans sa profusion de monuments historiques. Douze églises et quelques chapelles , sept couvents, une cathédrale, huit palais ....
Aujourd'hui la fête de San Pedro Regalado se prépare, il faut faire vite pour tout voir.
La Plaza Major, toute rouge, soigne sa mise en scène.
L'Université et les autres monuments, d'un blanc éblouissant en font autant.
Même la cathédrale se cache derrière les toiles de tente.
Et voilà. Que la fête de San Pedro Regalado commence! Notre périple entamé une semaine auparavant dans la tempête basque s'achève sous un le ciel d'azur d'un printemps castillan.
Merci à Isabel et Fernando pour leur accueil et leurs conseils
Merci à Domingo Navarro Pérez, le maire del Maderal et à Miriam son adorable secrétaire pour leur affabilité et leur sens de l'hospitalité
Merci à Valérie, Isabel et Yanin de nous avoir permis de sortir des sentiers battus d'un tourisme ordinaire pour pénétrer dans la profondeur d'une Castille authentique, célébrée par un de ses plus grands poètes.
Las orillas del Duero
Se ha asomado una cigüeña a lo alto del campanario.
Girando en torno a la torre y al caserón solitario,
ya las golondrinas chillan. Pasaron del blanco invierno,
de nevascas y ventiscas los crudos soplos de infierno.
Es una tibia mañana.
El sol calienta un poquito la pobre tierra soriana.
Pasados los verdes pinos,
casi azules, primavera
se ve brotar en
los finos
chopos de la carretera
y del río. El Duero corre, terso y mudo, mansamente.
El campo parece, más que joven, adolescente.
Entre las hierbas alguna humilde flor ha nacido,
azul o blanca. ¡Belleza del campo apenas florido,
y mística primavera!
Antonio Machado 1907
( poème envoyé par Sylvie)